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Jean-François FLAMAND


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Lettre des Hébrides
Après quelques heures de navigation par le "Sound of Mull", nous débarquons à Lochboisdale, Outer Hebrides, nord ouest de l'Ecosse.
Cette porte qui mène aux enchantements est, comme tant d'autres bouts du monde terne, triste, désespérante. Mais c'est ainsi, et nous partons vers le nord de l'archipel "Uibhist a tuath" en gaélique.
La langue des Gaëls, selon un texte irlandais du IX siècle attribué à l'Evêque-Roi Cormac, serait la langue des héros ou langue des hommes allant par violences à travers tous pays habités. Et de fait, ces terres gaéliques ont une très longue histoire de guerres, de haines, de trahisons, de meurtres.
Les Rois d'Ecosse et de Norvège se les sont disputées. Elles furent christianisées par des moines d'Irlande venus sur des coracles faits de peaux de bœufs cousues sur une armature de bois. Au nom d'Odin et de l'antique droit de prise, elles furent pillées par les pirates Vikings qui emportaient en guise de boussole, un corbeau tenu en cage qu'ils lâchaient pour connaître la direction de la terre quand tout autre signe avait disparu dans la brume.
De tout cela il ne reste rien ou presque, hormis le cadre grandiose fait de landes, de rocs, de vagues et de vent, en cette terre sacrée où des peuples dont on ne sait rien dressèrent des pierres étranges.
Plus près de nous demeurent d'étonnantes fermes, certaines abandonnées sans doute depuis peu de lustres ; d'une présence formidable tant elles sont issues des éléments qui composent ce sol de tourbières à demi stérile, avec des murs massifs aux ouvertures étroites qu'on fermait la nuit d’un simple fagot, et de grandes cheminées pointées vers un ciel sans autres verticales. Puis le temps a passé… Les descendants habitent maintenant de tristes et confortables maisons préfabriquées aux intérieurs ressemblant à des bonbonnières. Seule l'odeur de misère des feux de tourbes qui flotte sur toutes ces îles rappelle que la vie due y être très rude.
Et puis que faire d'autre sinon marcher des heures durant. A l'ouest, des dunes et des plages immenses où somnolent des phoques. Des oiseaux, des centaines d'oiseaux passent en criant. A l'est, l'imbrication de la lande et de la mer avec, entre deux rideaux de pluie, des lumières de début du monde. Et le vent, toujours le vent, sur cette terre sans arbres.
Au loin, trop loin pour les apercevoir, les Iles Flannan où jadis, par une nuit de tempête et d'apocalypse, les trois gardiens du phare disparurent sans qu'on ne sût jamais ce qui s'était passé.
Et nous quittons à rebours ces lieux désolés en nous demandant quelle grâce mystérieuse nous les font tant aimer.
JF Flamand septembre 1999

Tous droits réservés, Jean-Francois Flamand, janvier 2005.